Soixante secondes de notre temps correspondent à 187 millions d’emails, 4,3 millions de vidéos vues sur YouTube et 1,1 million de swipes sur Tinder. Cette époque de tous les excès nous soumet en permanence à une avalanche de stimulis. Le temps s’accélère, se consume trop vite et, si les nouvelles technologies nous aident sans cesse à en gagner, nous n’en avons jamais autant manqué.
Si la quête de l’attention qui s’instille au cœur des logiques de communication et de marchandisation devient le pétrole du XXIème siècle, les marques n’échappent pas à cette nouvelle économie de l’attention… Poussées par les GAFAM, elles se laissent aspirer dans ces stratégies du « fast » et produisent de plus en plus de contenus sur de plus en plus de plateformes.
Les logiques marketing telles qu’on les connaît aujourd’hui se sont construites sur cette quête frénétique de l’attention, qui passait, et passe encore, par une diffusion massive et répétitive de messages… Jusqu’à l’overdose ? Martelé ad nauseam, ce « snack content » séduit de moins en moins des utilisateurs en quête de sens, d’authenticité et de qualité. La sanction à l’égard des marques est radicale : après l’ère de l’engagement, voici venue l’ère des utilisateurs fantômes.
Le snack content en plein doute
Ces 5 dernières années, le nombre de publications réalisées par les marques a fait un bond fulgurant de 800 % : une montée en puissance qui s’ancre dans une compétition acharnée pour gagner en visibilité. Néanmoins, cette quête exaltée de l’attention ne porte pas ses fruits : avec cette croissance exponentielle de posts, chaque publication perd en moyenne 89 % d’engagement.
Le constat est effarant : la vague « snack content » qui a redéfini et restructuré les stratégies marketing de bon nombre de marques les a poussées à produire davantage, mais ne leur permet pas de mieux toucher leur audience. Le reach souffre au rythme d’algorithmes lunatiques, la portée organique se liquéfie, le nombre de partages, surtout, ressemble à une promo pour les soldes : -50 % depuis 2015, malgré un investissement qui suit la courbe inverse. Le temps passé sur les réseaux sociaux diminue, les images de Mark Zuckerberg devant le Congrès américain perdurent, la méfiance face à l’utilisation de nos données personnelles s’épaissit… Le snack content aurait-il atteint son plafond de verre ?
Les influenceurs face à la défiance
En parallèle, le marketing d’influence – second levier sur lequel les marques ont misé ces dernières années – connaît lui aussi quelques remous. Après un état de grâce sur YouTube et Instagram, ces campagnes subissent un premier retour de bâton. D’une part, l’essor des « fake influenceurs » et leurs statistiques bidonnés impactent le ROI des marques et, d’autre part, les blogueurs sont nombreux à avoir vendu leur ligne éditoriale au plus offrant, jusqu’à susciter une certaine méfiance de leurs abonnés chéris.
Le thé FitVia (ex FitTea) a envahi Instagram en 2017, les montres Daniel Wellington apparaissent encore sur les poignets fins des blogueuses mode et les affiches Desenio ont retapissé nos feeds… L’uniformisation et la multiplication des contenus sponsorisés remet en question l’adhésion des utilisateurs qui gagnent en clairvoyance… Jusqu’à pousser EnjoyPhoenix à faire son mea culpa en vidéo.
Le snack content a-t-il tué la poule aux œufs d’or ? Pas tellement. Si le levier a toujours le vent en poupe, les stratégies se restructurent autour de rythmes plus lents, notamment via des partenariats moins nombreux, mieux choisis, plus originaux qui mettent le produit en valeur sans perdre le ton de son ambassadeur. Néanmoins, les marques se retrouvent à nouveau confrontées à cette même défiance originelle qui les avait orientés vers les influenceurs.
Vers la fin des réseaux sociaux ?
Les marques ont-elles encore intérêt à rester sur les réseaux sociaux ? Selon Lush UK, non ! Le cosmétologue a annoncé se désengager des réseaux pour capitaliser sur son ADN et ses propres valeurs via des contenus durables.
Cette annonce surprenante révèle la face cachée du snack content : aujourd’hui, le contenu seul ne suffit plus. Malgré des créas belles et travaillées, malgré des concepts accrocheurs et des articles fouillés, la portée organique est mise K.O. par des algorithmes capricieux qui soumettent les annonceurs à de forts investissements pour un ROI de plus en plus faible. Désormais, un post de marque se prive de 75 % de sa communauté… quand il est sponsorisé. Quand il ne l’est pas, son reach atteint à peine les 9% : un rapport entre les ressources mobilisées et le ROI qui frise le ridicule.
L’apogée du slow content
Face à cela, les marques reviennent doucement au owned. Exit le snack à tout prix et les KPIs par nombre de posts : elles cherchent à rebâtir leur audience sur leurs propres canaux pour éviter d’être la victime de ces algos meurtriers.
Désormais, ces leviers phares des stratégies de contenus surexploités par les marques doivent revoir leur copie pour répondre à de nouveaux besoins. Les utilisateurs, bien plus exigeants, expriment le désir de se recentrer, de moins gaspiller, de prendre le temps – bref, de se mettre au slow. Une exigence qui semble s’adresser directement aux marques et leur intimer de ralentir le rythme, de mieux équilibrer leurs contenus, de prendre le temps…