Le glas du snack content a-t-il sonné ?

Les marques ont investi des millions pour produire du contenu à destination des réseaux sociaux, pour engager leurs communautés et fédérer autour de leur image. Ils se consomment vite, se digèrent bien, et noient la sensation de satiété dans un scroll indéfini : les snackables ont redéfini bon nombre de stratégies de marques ces dernières années… jusqu’à l’overdose ?

Rencontre avec Joïakim Tuil, Directeur de la communication chez Ubisoft France qui a fait le pari du long-form dans un temps où les vidéos se réduisent à dix secondes.

Snack content vs slow content : Ubisoft & Stories

Le modèle « Brut. » représente presque à lui seul le snack content qui a fleuri absolument partout ces dernières années. Des vidéos courtes, qui se lisent ou qui s’écoutent, qui racontent une histoire en un temps ultra concentré, avec des images fortes et un impact tout aussi élevé. Succès fulgurant pour les anciens de Canal Plus qui ont compris avant tout le monde que des contenus extrêmement courts n’avaient pas vocation à être périssables.

Mais face à cette vague de snacks qui a envahi nos réseaux, de plus en plus de marques font le pari du slow. Là où l’on partait du principe que l’utilisateur n’aurait pas le temps de lire un article trop long, le but est désormais de lui faire prendre le temps de s’y atteler.

Dans cette même idée, Ubisoft a lancé Stories en début d’année : un webzine, à la croisée d’un blog de marque et d’un véritable média, prêt à redéfinir la stratégie de contenus de l’éditeur de jeux-vidéo. Moins de snack, une place de roi dédiée au long-form : l’idée, derrière cette plateforme à histoires, est de s’affranchir des sujets universels qui règnent sur les réseaux sociaux, et sur lesquels Ubisoft n’a pas de réelle légitimité. « Ce n’est pas parce qu’il y a un trending topic qu’il faut en parler », explique Joïakim Tuil.

Ces ressorts, destinés à toucher des publics larges et diversifiés, se font voler la vedette par des formats plus différenciants. « Notre problématique, c’est que nous nous adressons à des publics extrêmement diversifiés. De « Just Dance » à « Assassin’s Creed », le spectre est large. L’ambition de notre stratégie de contenus est donc d’occuper l’ensemble du terrain. »

Au menu : du snack et du slow pour répondre aux envies diverses de leurs utilisateurs. « J’aime la nourriture gastronomique, mais j’aime bien passer chez McDo de temps en temps », reprend Joïakim Tuil. Et l’utilisateur est comme nous : qu’il préfère l’un ou l’autre, ses envies peuvent varier.

L’expérience éditoriale au service du slow content

C’est pour répondre à ce besoin qu’Ubisoft a développé Stories, un média présent sur le web, mais aussi en print. « Les formats se consomment vraiment différemment selon le support. Avec Stories, on a fait le pari de raconter des histoires, de fabriquer de grands reportages : nos temps de lecture vont de 10 à 15 minutes… C’est monstrueux par rapport à ce qui se fait sur le web ! »

La question du format ou du médium est particulièrement cruciale sur le slow content. Pour sortir de la dichotomie web / print, Ubisoft a testé une nouvelle logique de contenus : celle de l’expérience. De décembre 2018 à février 2019, l’éditeur de jeux-vidéos s’est exposé à la Gaité Lyrique. « Behind the Game » a rencontré son public : celui des jeux-vidéo, axé divertissement, mais aussi celui de la Gaité, friand de culture… Bien que l’un n’exclut pas l’autre.

En grimpant sur le sacro-saint cheval de l’expérience, nerf de la guerre du marketing éditorial ces jours-ci, Ubisoft a tapé juste. « L’exposition a connu un écho médiatique incomparable par rapport aux contenus web ou snackables, qui n’ont pas de valeur d’actualité. », analyse Joïakim Tuil. Cette expérience éditoriale a apporté de la matérialité à la marque, et a propulsé le jeux-vidéo, d’habitude cantonné à la presse spécialisée, sur les médias mainstream. « On ne voit pas de sujets sur les jeux-vidéos sur Radio Nova, France Inter ou Arte, ou alors très occasionnellement », déplore Joïakim Tuil. « L’idée était donc de positionner Ubisoft et, par extension, l’industrie du jeux-vidéo comme une valeur culturelle : un autre genre qu’une vidéo YouTube pour un autre type d’écho. »

Une autre vision de la performance

Forcément, dans cette configuration, l’engagement ne se mesure pas sur un nombre d’impressions, d’interactions ou un taux de clics. Si l’on parle tant du slow, mais qu’on le pratique encore peu, c’est que l’on ne chiffre pas aussi facilement la performance des contenus.

« Le slow exige que l’on se donne plus de temps pour fabriquer les contenus, parfois plusieurs semaines. Il faut creuser le sujet, aller chercher de la substance… On n’est pas sur un format qui prône la réactivité. »  Exit le pic d’audience et la disparition immédiate derrière : ici, on cherche la courbe qui grimpe doucement mais sûrement, alimentée par le SEO et les moteurs de recherche. « Certains contenus ont besoin de temps pour murir », reprend Joïakim Tuil, « et leur performance ne peut pas s’évaluer à court terme. »

Une philosophie bien antinomique de la course aux stats qui sévit, aujourd’hui encore, au sein des réunions communication. Si l’on intime aux utilisateurs de prendre le temps, encore faut-il que les grandes marques le leur donnent ! Le slow content ralentit la course de la comm’ d’un côté comme de l’autre. Et là où le snack s’était complètement substitué aux bonnes habitudes héritées du print, il s’agit désormais de se défaire du l’hyper-instantanéité pour retrouver une certaine stabilité : non pas tuer le snack, mais y allier une bonne dose de slow pour savourer l’équilibre de la recette. Gagnante, évidemment.

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