Dans un contexte où la portée organique disparaît, où les réseaux privilégient les contenus in-app, où les algorithmes semblent avoir un droit de vie et de mort sur les marques et où le budget règne en maître sur le reach : les médias sociaux ont-ils encore quelque chose à apporter aux entreprises ? On en parle avec Lush UK, la célèbre marque de cosmétiques qui a fait du bruit en gazouillant pour la toute dernière fois en avril dernier.

 

Lush UK quitte les médias sociaux

« Nous en sommes arrivés à un point où les réseaux sociaux exigeaient trop de ressources. Nous avons préféré les quitter et nous concentrer sur nos propos canaux. » Ce curieux discours, c’est la filiale britannique de Lush, la marque de cosmétiques la plus instagrammable du marché, qui le tient. A-t-on nécessairement besoin des médias sociaux lorsque l’on est une entreprise ? Là où la plupart des marques ne se posent même pas la question, Lush dit « non ». Et, en avril dernier, coup de théâtre : la marque éteint la lumière sur Twitter, Instagram et Facebook.

Pourtant, les médias sociaux ont longtemps été au centre de la stratégie d’influence de la marque. Des produits créés sur mesure pour Instagram (comme les boules de bain multicolores qui ont dopé sa visibilité) jusqu’aux savons en forme d’emoji aubergine et pêche pour se faire mousser sur le web : un des points forts de la stratégie de développement de Lush a été de placer la conception de ses produits et l’évolution de la marque au coeur de sa communication. Jackpot : quelques années plus tard, Lush UK peut désormais capitaliser sur le contenu généré par ses afficionados et libérer ses équipes de la frénésie des médias sociaux.

 

La frénésie usante et inefficace des réseaux sociaux

Pour une marque comme Lush, le social media était un canal stratégique. En effet, le secteur des cosmétiques est un univers particulièrement impitoyable, saturé de marques qui tentent d’émerger et qui produisent des nouveautés à un rythme extrêmement soutenu pour continuer d’attirer leurs clientes potentielles.

C’est bien l’effervescence propre à ces réseaux, permanente et chronophage, que Lush dénonce. « Nous étions fatigués de nous battre contre des algorithmes », explique Lush. En cause, la nécessité de produire de plus en plus de contenus pour rester visible auprès de leur communauté, ou se résoudre à avoir recours à la sponsorisation. Or, « nous ne voulions pas payer pour apparaître dans votre fil d’actualité », assène la marque, qui peut se targuer d’avoir acquis une communauté conséquente et engagée au fil du temps.

Lush a mis le doigt sur l’une des vérités les plus cruelles des réseaux sociaux : ces 5 dernières années, le nombre de publications réalisées par les marques a fait un bond fulgurant de 800 % : une montée en puissance qui s’ancre dans une compétition acharnée pour gagner en visibilité. Néanmoins, cette quête exaltée de l’attention ne porte pas ses fruits : avec cette croissance exponentielle de posts, chaque publication perd en moyenne 89 % d’engagement.

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Après les médias sociaux

Si le pari de Lush reste audacieux, la marque n’avait pas non plus beaucoup à perdre. En faisant le choix de fermer ses réseaux sociaux – mais pas de les supprimer – Lush garde une vitrine web de son ADN et se soulage du poids de la création de contenus et des aléas liés aux caprices des algorithmes.

Car son avantage, c’est qu’elle peut capitaliser sur le contenu créé par ses fans. Photos, vidéos, stories ou tuto : l’UGC lié à la marque est devenu un incontournable des réseaux. Si bien qu’aujourd’hui, sa communauté et quelques envois produits stratégiques aux blogueurs lui offrent une couverture bien plus efficace que ses propres réseaux, soit entre 4 et 34 millions de vues par vidéo…

En réalité, Lush a recentré sa communication autour de leviers historiques et s’affranchit de la quantité pour produire moins, mais mieux, à destination d’utilisateurs foncièrement engagés. « Nous privilégions la discussion avec notre communauté de clients et via nos propres canaux. Nous continuons aussi d’exister sur les réseaux sociaux en tant que #LushCommunity. Six mois après notre départ des réseaux sociaux, nous sommes fiers d’avoir fait ce choix : nous sommes plus près de notre communauté que jamais. »

 

Les marques peuvent-elles quitter les médias sociaux sans en souffrir ?

Alors, dès demain, les marques vont-elles déserter les médias sociaux ? Apple ou Malboro peuvent se permettre de ne pas utiliser les réseaux pour faire grimper leur notoriété, mais ce n’est pas le cas de la plupart d’entre elles. Dans la jungle du web, Facebook, Twitter, Instagram & Cie sont des armes stratégiques pour gagner en visibilité à moindre coût.

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Si le reach est faible et que le sponsoring est quasi obligatoire, les budgets mobilisés demeurent bien moins importants que via Google Ads ou via l’achat d’espace, et ont le mérite de promouvoir des produits et une image tout en créant une interaction émotive entre la marque et son utilisateur – un levier publicitaire redoutable que peu d’autres canaux peuvent se targuer de susciter, dans un contexte où l’immersion et l’expérience d’achat semblent essentielles pour convertir.

De quoi tarir les fantasmes des équipes marketing submergées par la ruée vers le social : quitter les réseaux sociaux, c’est osé, mais les marques qui peuvent réellement se le permettre sont très, très rares sur le marché.