Communiquer ou ne pas communiquer – telle a été la question dès les premières semaines de confinement, particulièrement sur les médias sociaux. À l’aube du déconfinement, elle reste plus que jamais d’actualité. Entre un retour à la normale qui serait malvenu, et une communication qui ne peut plus être celle des derniers mois, les marques vont devoir, une fois encore, trouver le ton juste. 

Crise, confinement et communication : quelles leçons retenir et comment entrer dans l’après ? Décryptage avec Louka Corneau, social me

dia manager chez MilleSoixanteQuatre.

 

McDonald’s, le Covid-19 & les réseaux sociaux : anatomie d’un bad buzz

Tout juste une semaine après l’annonce du confinement, les réseaux sociaux de l’enseigne McDonald’s ont choisi de maintenir le dialogue avec leur son audience en rebondissant sur l’actualité. L’idée était honorable : donner l’exemple en éloignant les deux arches de son logo pour promouvoir le social distancing. 

Insensible, déplacée, perçue comme une tentative désespérée de gagner un trophée ou tout simplement de surfer sur l’actualité via une communication qui dit mais ne fait pas… Il a suffi d’un tweet pour que cette campagne déclenche un bad buzz spectaculaire pour la marque. À l’inverse, Coca-Cola ou Burger King se sont illustrées dans des communications similaires et ont reçu l’approbation de leur public. Alors, qu’est-ce qui a fait la différence ?

« Pour moi, leur première erreur a été de tenter l’humour », analyse Louka Corneau. « L’étude menée par Kantar début mars montre qu’une très large majorité des Français était contre l’exploitation du Covid-19 pour les marques, et que 40 % d’entre eux considéraient le ton humoristique comme un parti pris à éviter. » 

Le confinement n’était pas le temps du LOL. Pourtant, ça ne suffit pas à expliquer les torrents de verbatims négatifs enregistrés par la marque. « Je pense également qu’il y a eu une erreur dans la hiérarchisation de leur communication », continue Louka. « McDonald’s a privilégié le symbole à la réassurance, dans une période troublée, là où d’autres ont participé à ce qu’on pourrait appeler un effort de guerre en mettant leurs ressources au service de la lutte contre le Covid-19. Pour les consommateurs, cela fait une grande différence : on a, d’un côté, une marque qui tweete avec humour dans un contexte gravissime, et de l’autre, des concurrents qui privilégient l’action, l’engagement, le storydoing au storytelling. » 

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Vers une nouvelle ère de communication post-confinement ?

S’il y a bien quelque chose que cette crise nous a montré, c’est que jusqu’ici, les marques s’étaient très bien inscrites dans l’ère conversationnelle : des newsletters à la multiplicité des médias sociaux, elles avaient adapté leur ton et leurs messages pour s’ancrer notamment dans une « culture du web » qui a décuplé la notoriété de ses meilleurs élèves. 

Or, le confinement a révélé une fissure dans ce modèle. Alors que les utilisateurs n’ont jamais autant créé de contenus, de parodies et partagé d’expériences en ligne, les tentatives de « lolversationnel » des marques sont systématiquement (ou presque) tombées à l’eau – comme si celles qui étaient les cool kids d’hier n’avaient désormais plus leur place dans la cour des grands. Quelque part, la crise du Covid-19 semble avoir été un électrochoc pour des consommateurs qui s’agaçaient déjà de l’opportunisme des marques mais qui, dans ce contexte si particulier, l’ont jugé indécent. 

 

Le règne du « brand purpose »

La crise du Covid-19 marque-t-elle enfin la fin de l’âge d’or de la « communication-réaction » ? Ces dernières années, celle-ci c’est propagée, dopée aux réseaux sociaux et à la quête de sens des millennials qui cherchaient dans leurs marques chouchous un  l’engagement.  Ce bad buzz, c’est aussi une façon pour les consommateurs de dire stop aux marques qui se contentent de changer leur logo sur les réseaux sociaux pour s’inscrire dans des mouvements engagés. « Pour Juin des fiertés, marques et agences colorent leur logo aux couleurs LGBTQ+, mais quelles actions concrètes mettent-elles en place ? Aucune. Aujourd’hui, ce type de communication ne peut plus fonctionner. Nous sommes dans le temps de la brand utility et du goodvertising : la com bullshit n’a plus sa place », constate Louka Corneau.

Il faut dire que les audiences scrutent plus que jamais la communication des marques. Là où elles étaient jugées sur leurs produits il n’y a pas si longtemps, elles le sont aujourd’hui aussi sur leur stratégie marketing. « Les consommateurs cherchent des valeurs. Si l’on regarde la campagne de McDonald’s, elle n’en porte aucune, et historiquement, elle ne s’inscrit pas dans une communication de proximité. La marque s’en tient à un post sur les réseaux sociaux, uniquement symbolique, là où Coca-Cola s’affiche en print sur Times Square et prodigue un message fédérateur, dans la lignée de sa stratégie des dix dernières années. Au-delà du capital sympathie des marques qui joue évidemment sur la réception de leurs campagnes, il y a une question de cohérence dans le format et dans le message », explique Louka Corneau.

 

Ce que les marques doivent retenir de la crise du Covid-19 pour communiquer dans « le monde d’après »

« Je pense que certaines marques n’étaient pas prêtes à communiquer et ont voulu le faire quand même, sans comprendre qu’il y avait un virage à prendre », analyse Louka Corneau. « Mais il faut dire que la situation inédite a poussé certaines d’entre elles à sortir de leur zone de confort, à emprunter les codes des influenceurs, à être davantage dans la spontanéité, et ça a vraiment bien fonctionné. » 

En effet, le grand gagnant de ce confinement, c’est le live. Des séances de training proposées par Adidas en passant par des tutos en direct ou des rencontres destinées à renforcer la proximité entre la marque et son audience : ce format, qui était l’apanage des particuliers, a été pris d’assaut par les entreprises pour rendre leur communication plus engageante. « Le live était vraiment le canal idéal », souligne Louka, « puisqu’il apporte à la fois un contact humain et une parole d’expert, il crée du lien, il promeut l’interaction en temps réel, il sort les marques de cette communication de prévision qu’elles ont adopté malgré elles sur les réseaux sociaux. Ça les humanise, ça les incarne. » 

Bas les masques, exit les filtres : la crise a redonné aux réseaux sociaux leur fonction première – une plateforme de lien social. « Aujourd’hui, les marques qui réussissent sont celles qui se sont inspirées des utilisateurs. Elles se rendent compte qu’elles se sont trompées, que leur avenir est dans un retour aux fondements de leur communication : les communautés. Je suis convaincu qu’après la crise, le live explosera et redonnera un vent de fraîcheur et d’authenticité aux réseaux sociaux. »

À leur communication globale aussi ? Espérons-le. Quête d’authenticité, valeurs, engagement, goodvertising, contributing ou brand purpose : ce n’est plus tant le nom qu’on lui donne que les actions que l’on entreprend. Moins de belles paroles, plus de concret et de responsabilisation – voilà ce que les consommateurs attendent pour ce monde d’après – et voilà ce qui déterminera le succès d’une marque… ou non.