C’est un fait incontesté : les médias sociaux sont les grands gagnants du confinement. Si cette période a été l’occasion (un peu forcée) pour les marques de tester de nouveaux formats et de nouveaux canaux, les annonceurs semblent avoir enfin pris conscience du pouvoir de visibilité que les médias sociaux avaient à offrir. De là à les placer sur le trône des leviers publicitaires ?

 

Confinement & médias sociaux : récit d’une hégémonie

Parmi les chiffres forts du Digital Report 2020, on retiendra que les réseaux ont vu leur nombre d’utilisateurs grimper au premier trimestre (+ 8 % par rapport à 2019), que le temps passé sur TikTok, Snapchat et Reddit a augmenté de 20 à 50 % et que TikTok est LE réseau qui a explosé durant la crise du Covid-19, en tête du classement mondial des téléchargements d’applications.

Surtout, on retiendra qu’il faut rester humble : la télé, enterrée depuis des années par les digital addicts qui observaient son déclin, a fait une remontada historique en redevenant le média le plus fédérateur face au coronavirus, et des dinosaures comme Facebook ont redynamisé leur image en montrant à quel point leur maturité était essentielle pour répondre à un contexte de crise.

Terrain de jeu privilégié de près de 4 milliards d’internautes confinés, les réseaux sociaux ont attiré les annonceurs par la force des chiffres, dans un contexte où les canaux traditionnels étaient plus difficiles d’accès – les RP tout occupés par les sujets Covid-19, le print qui peinait à trouver son public dans des rues désertées, et une télé trop onéreuse dans une situation instable modelée par les coupes budgétaires ont conduit les annonceurs vers les médias sociaux à marche forcée.

Une contrainte qui s’est très vite transformée en révélation. Il faut dire qu’avec des tickets d’entrée qui défient toute concurrence par rapport aux canaux traditionnels, les médias sociaux offrent un ROI attractif tout en privilégiant le owned : des abonnés déjà fédéré, une activité existante et un fort potentiel de conversion – le circuit a si bien fonctionné que les annonceurs qui y faisaient leurs premières armes ont prévu d’y augmenter leur budget pour 2020.

 

La renaissance de Facebook

Le groupe Facebook a tout particulièrement trouvé son second souffle en pleine crise : les bots Whatsapp et l’utilisation intensive d’Instagram ont certes joué en sa faveur, mais c’est le réseau historique qui semble avoir atteint son âge de raison.

À la fois source d’information en temps réel et lien entre proches, le groupe a eu la maturité de proposer des outils, en production depuis longtemps, mais développés dans l’urgence pour matcher les besoins dus au confinement.

Ainsi, Messenger Rooms est né, et propose des visio-conférences jusqu’à 50 personnes (!), et l’espace « marketplace » du réseau semble là pour durer puisque le groupe a sorti « Facebook shops », une solution intégrée pour permettre aux commerçants dont les boutiques étaient fermées pour raisons sanitaires de continuer à vendre leurs produits et générer des revenus. Testée uniquement aux États-Unis pour l’instant, cette fonctionnalité promet de bouleverser le e-commerce lors de son lancement mondial.

 

Audit, publicité, test & learn : l’équation gagnante des médias sociaux

Si leur succès est une donnée incontestable, toute la question est de savoir si cette hégémonie est durable. Difficile de dire que ce n’est pas le cas tant les case studies se succèdent et montrent de très beaux résultats, à l’instar de Dior, Gucci et Saint Laurent qui ont profité du bond générationnel de TikTok pour y proposer leurs premières campagnes au printemps.

À lire aussi  TikTok : derrière les idées reçues, un espace  publicitaire stratégique

De la même manière, les annonceurs qui ont profité du confinement pour tester leurs contenus et leurs taglines sur les médias sociaux sont nombreux. À la fois communautaire et en temps réel, le canal est devenu le meilleur laboratoire publicitaire avant de lancer une campagne multicanale. D’autant plus efficace qu’il est souvent soutenu par un audit de social listening capable d’écouter des millions de conversations et d’anticiper à la fois les nouveaux besoins et les prises de parole avec une étude très solide du terrain, adaptée en temps réel – le temps des annonceurs désormais, loin de celui des plans médias sur six mois.

Surtout, c’est l’occasion d’éviter, dans ce sur-usage des médias sociaux et cette marée de contenus, des claques retentissantes lors de prises de paroles déplacées, comme cela a pu être le cas avec McDonald’s durant le confinement, ou la prise de position de Nike en soutien au mouvement Black Lives Matter.

 

Vers l’hégémonie publicitaire ?

Sur les médias sociaux, chaque nouvel outil est un tremplin publicitaire en puissance. Moins cher, plus libre et plus ROIste, qui peut encore les concurrencer aujourd’hui ? Non seulement le millier d’impressions est moins onéreux sur le digital que sur n’importe quel autre média, mais les outils d’analyse permettent en plus de relier les performances des social ads à celles des autres canaux, comme une augmentation des communautés, des requêtes sur une marque ou des conversions. Si cela n’est pas nouveau, c’est une révélation pour pas mal d’annonceurs qui préféraient adopter le réflexe “digital-septic” du plan média qui a déjà fait ses preuves plutôt que de faire confiance à des médias sociaux en pleine structuration qui disruptent le marché publicitaire depuis quelques années.

À lire aussi  Social Ads vs Google Adwords : LinkedIn et Facebook sont-ils en train de détrôner le SEA ?

Les prochains mois devraient conforter leur position comme premiers leviers publicitaires : de nouveaux outils se préparent, et qui dit nouveaux outils dit nouveaux formats publicitaires. Pour pérenniser leur modèle, les réseaux s’affranchissent de leur image de passe-temps superficiels et se réinventent en hubs de solutions en intégrant des fonctionnalités qui devraient très vite devenir essentielles.

Ainsi, si Snapchat fait de la réalité augmentée son nouveau terrain de jeu, Facebook est en passe de court-circuiter le e-commerce en poussant le shopping in-app plus loin. En important des catalogues de produits directement sur la plateforme, le réseaux social vient concurrencer de gros acteurs des CMS du e-commerce comme Prestashop, et exempte ses utilisateurs de stratégies de notoriété ou de SEO : le réseau a déjà son audience – il ne restera plus qu’à créer, puis à payer. Une double dynamique qui tend à la fois à agrémenter la plateforme de solutions ultra simples et toujours plus nombreuses : si les médias sociaux attiraient ceux qui souhaitaient communiquer, désormais, il s’adressent à ceux qui souhaitent vendre.

 

Nous sommes plus que jamais entrés dans l’ère de la WeChat-isation des médias sociaux, et qu’y a-t-il de plus hégémonique que cette application chinoise multifacettes qui monopolise le marché asiatique ?

Les médias sociaux, qui étaient des plateformes dispensables centrées sur le loisir, deviennent progressivement des hubs de services essentiels qui construisent leur empire sur la flemme de leurs utilisateurs par une expérience toujours plus simple, tout-en-un et intuitive pour, in extenso, se transformer en leviers publicitaires redoutables. S’il faut rester prudent dans un monde digital qui évolue très vite, une question se pose néanmoins : qui peut encore concurrencer ces géants du web aujourd’hui ?