« Les cursus littéraires, ça mène au chômage ! »

Cette phrase, les littéraires l’ont entendue des milliers de fois. Rabâchée par leur entourage, les employeurs ou leurs petits copains en droit, ces conspués du marché du travail tiennent leur revanche. Depuis quelques années, les start-ups s’arrachent ces profils qui manient l’art des mots. Si leurs débuts étaient timides, leur avenir se dessine désormais clairement. Les agences éditoriales explosent, et les petites annonces en quête de « content manager » pullulent. Numérique et littéraires ne sont finalement pas si incompatibles qu’on le croyait.

Cursus littéraires : la revanche des « usine à chômage »

En France, les carrières réservées aux littéraires étaient autrefois prestigieuses. Des hommes comme Georges Pompidou ou François Mitterrand ont travaillé leur art du discours dans leurs cours de littérature. Les lettres menaient au pouvoir, et elles en étaient le symbole. La figure de l’instituteur était, elle aussi, emblématique. Elle incarnait la possibilité d’une carrière professionnelle, une clé pour l’ascension sociale, le moyen de quitter les campagnes, d’éviter l’usine.

Et puis la France d’après-guerre, passionnée par l’ingénierie, a survalorisé les profils scientifiques et les nouvelles technologies. Résultat : des littéraires marginalisés. Ainsi, 80% des bacheliers choisissent aujourd’hui la filière scientifique sans pour autant en avoir le goût. L’objectif ? Éviter la case « L » et sa réputation indigente. « La filière qui ferme des portes. »

Malgré cela, si la France n’a encore jamais élu de scientifique à la tête de son pays, elle y a pourtant placé un certain nombre de littéraires. Paradoxal, non ? Présentée comme une filiale de « vocation », elle mène encore, dans l’imaginaire collectif, à l’enseignement, la recherche ou le journalisme – trois secteurs qui se sont particulièrement appauvris ces dernières décennies. Une coupure progressive se dessine alors entre cette filiale « à vocation » et d’autres secteurs qui pourraient employer des littéraires, mais qui les ont complètement évacués de leur radar.

La Silicon Valley aime les littéraires

En dehors de l’hexagone, c’est une autre histoire. Les administrations et les entreprises recrutent des profils littéraires à toutes sortes de postes. Mieux : ces profils atypiques squattent la Silicon Valley. Peter Thiel, cofondateur de Paypal et premier investisseur de Facebook, a étudié la philosophie. Susan Wojcicki, CEO de Youtube, a étudié la littérature et l’histoire. et Tim O’Reilly, grand maître à penser de la fabrique à start-ups, a fait ses armes dans un cursus de lettres classiques. En fait, il y a bien moins de scientifiques dans la Silicon Valley que l’on se plaît à raconter.

Créer du contenu : le content marketing est roi

Manier des concepts, raconter des histoires : c’est l’art du storytelling qui sera la fontaine de jouvence pour l’emploi des littéraires. Si le numérique a d’abord fait émerger des profils techniques comme des développeurs, le web valorise aujourd’hui tout particulièrement les profils littéraires.

Le règne de Google fait le lit de la création de contenus : avec ses algorithmes qui se nourrissent exclusivement de mots, Google a fait tomber les frontières entre les marques et les médias. Toutes les marques deviennent des médias, tandis que les médias se transforment en marketeurs pour survivre, et la question de l’indépendance de la ligne éditoriale trouve de moins en moins de réponse tranchée.

Pourquoi créer du contenu ? Pour travailler la marque-employeur au travers d’un nouveau moyen de communication, en marge de ce que la com’ externe traditionnelle peut apporter à une entreprise. Il s’agit de faire rayonner son image et son expertise en créant un contenu de qualité, pas grossièrement promotionnel, et parfois même indépendant. Ainsi, là où le web produisait du contenu depuis dix ans, il exige aujourd’hui un contenu de qualité pour se démarquer et fédérer une communauté. C’est le mot qui change toute la donne.

Dans un monde où le contenu est devenu roi, c’est le plus créatif qui sera le plus valorisé. L’intelligence artificielle produit déjà des dépêches. Et si le prochain mandat Présidentiel embauchait Homère pour conter d’une manière innovante et décalée l’épopée de l’Élysée ? Succès assuré.Tout le lab
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