Dans la famille « Bad buzz », je demande le roi : la machine à polémique que TPMP manipule avec un doigté diaboliquement efficace a encore une fois frappé. La séquence de la semaine est signée Hanouna, et a eu une telle résonnance qu’elle s’est exportée outre-Atlantique. Dans l’Hexagone, le grand public a pris les choses en main et, réseaux sociaux à l’appui, a fait pression sur les annonceurs qui soutenaient l’émission. Soutenaient, imparfait de l’indicatif – car coincées entre leur image et leur portée, les marques ont dû faire un choix.

Le dernier scandale TPMP, signé Hanouna

La polémique est devenue virale en un tour de tweet. Presqu’une semaine après la séquence qui a choqué à l’international, les rebondissements de l’affaire ont suscité plus d’un million de contenus référencés par Google. Jeudi 18 mai, l’émission phare de C8 qui rassemble plus d’1,5 million de téléspectateurs, met en scène un « canular » qui, sous couvert d’humour, piège un jeune homme homosexuel en révélant son identité, sa voix et son orientation sexuelle à l’antenne. Malaise.

La machine se met en route : les réseaux s’enflamment. Plus de 25 000 plaintes sont déposées auprès du CSA. Le PAF réagit, les médias publient l’affaire aussi vite que possible, certains hommes politiques y vont de leur soutien à la communauté LGBT.

Twitter, à double tranchant pour les marques

Le journaliste Sylvain Chazot met le feu aux poudres : il diffuse rapidement une liste des marques qui ont acheté un espace publicitaire durant l’émission, et rappelle que les consommateurs ont le pouvoir de faire pression sur les annonceurs d’une émission. Alors que ni la chaîne, ni l’équipe ne reconnaît l’erreur commise, les réseaux sociaux, excédés par l’énième polémique, se chargent de faire bouger les choses, et viennent toucher C8 exactement là où ça fait mal : sur les annonceurs.

Sylvain Chazot

@sychazot

NB : les consommateurs ont toujours le pouvoir de faire pression sur les annonceurs d’une émission de télévision

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L’idée est la suivante : interpeller les marques publiquement sur leur lien à l’émission jugée homophobe pour les forcer à prendre position. C’est sur Twitter que ça se passe : le réseau de l’immédiateté si cher aux annonceurs pour tisser un lien étroit avec leurs consommateurs, se retourne instantanément contre eux. Et ça marche. Quelques heures plus tard, les premières défections sont recensées. Petit Navire craque en premier. Une fois que la marque alimentaire a cédé, la pression n’est que plus forte pour les autres qui n’ont plus le choix : se retirer, ou risquer un bad buzz phénoménal. Bosch, Chanel et Disneyland Paris suivent dans la minute, et emportent avec eux l’écrasante majorité des annonceurs. Pour la première fois, le grand public fait ployer une émission en s’attaquant aux valeurs, à l’image et à l’identité des marques qui la financent via les réseaux sociaux. Rapide et efficace : le soir-même, la chaîne ne diffusait aucune pub.L’ensemble des communiqués publiés par les marques se ressemblent comme deux gouttes d’eau. On y trouve les mêmes éléments de langage : les annonceurs dénoncent « une émission qui va à l’encontre de nos valeurs ». Pourtant, l’une d’elle a résisté.

Le cas Sodastream

À l’inverse de ces marques qui ont préféré éviter le bad buzz en se retirant de l’espace publicitaire de TPMP, Sodastream a pris une position … un peu différente. Le porte-parole de l’entreprise a ainsi déclaré que la marque ne « choisissait pas l’émission en fonction des éventuelles polémiques qu’elle peut provoquer ou non, mais en fonction de l’audience et de la clientèle ciblée ». Une vérité crue, très mal perçue par son public : la polémique enfle encore. Mardi, coup de théâtre : la marque annonce qu’elle arrête toute collaboration avec Touche Pas à Mon Poste, en raison de « son attachement à la lutte contre les discriminations ».

SodaStreamFR@SodaStreamFR

sodastream rappelle son attachement à la lutte contre ttes discriminations et ne fait plus partie des marques à l’antenne du live de

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La réaction de Sodastream illustre toute la complexité, pour une marque, de prendre position publiquement sur une actualité. L’intervention du porte-parole, révèle en fait la stratégie des annonceurs qui se sont retirés, non pas pour se désolidariser du caractère homophobe du scandale, mais pour s’extraire du scandale tout court, et gagner à s’engager pour des valeurs de tolérance en redorant leur blason au passage. Sodastream a raté le coche.

Se positionner ou ne pas se positionner :
telle est la question

Aujourd’hui, les marques représentent des valeurs, et ne peuvent plus rester en marge des grands débats sociétaux. Certaines d’entre elles ont vu les dernières actualités politiques comme une belle occasion de se manifester, d’affirmer leurs valeurs et de gagner en visibilité. On se souvient de la campagne « Make Love Not Walls » menée par Diesel en réaction à la promesse de Donald Trump de faire construire un mur à la frontière Mexico-Américaine. On se souvient aussi de celle d’AirBnB qui a offert des logements gratuits aux réfugiés syriens au lendemain du Brexit : de quoi asseoir une image progressiste à l’international. Cet engagement qui représente pourtant un vrai risque dans un monde polarisé et volatile dont les réseaux sociaux sont le terrain d’expression favori. L’occasion, peut-être, de se positionner sur une communication positive ?