Ce n’est pas nouveau : on vend de la papeterie en septembre, des bonbons à Halloween et des chocolats à la Saint Valentin. Pour autant, faut-il mettre au même niveau le Black Friday, la Journée mondiale du compliment et la Journée internationale de lutte contre le cancer, et saisir toutes ces occasions pour prendre la parole ? Exemple illustré avec Interflora et le 8 mars.
Trop de marronniers tue le marronnier
Il suffit de chercher « marronnier communication » dans Google pour s’en rendre compte : derrière des kilomètres de résultats proposant les calendriers des événements de l’année classés par secteur, par couleur et par genre, se cache une uniformisation de l’information et de la communication.
Dans la presse en ligne, 64 % des contenus sont de purs copier-coller d’autres articles. Sur les réseaux sociaux, les marques sont entrées dans une ère conversationnelle et utilisent également ces marronniers pour gagner en visibilité. Mais dans cette quête d’attention permanente, elles sont désormais en compétition avec les internautes qui sont devenus leur propre marque – c’est à qui aura le tweet le plus drôle, le post le plus liké, le plus joli visuel. Dans ce contexte, quelle est la réelle visibilité des prises de parole des marques sur ces marronniers ?
Le ROI d’une prise de parole sur un marronnier est, bien sûr, une question de contenu. Plus l’angle est pertinent et original, plus la prise de parole est valorisée et efficace. Néanmoins, ces marronniers sont trop souvent l’occasion de traiter le même sujet que tout le monde… et de la même façon. C’est notamment le cas pour la Journée de lutte pour les droits des femmes. où un nombre incalculable d’articles et de tribunes ont été publiées sur l’importance de l’égalité hommes-femmes le 8 mars 2020, créant un grand bruit autour du marronnier. Mais sur ces prises de paroles, combien sont pertinentes et, si elles le sont, pourquoi les concentrer uniquement sur une journée par an ?
Les marronniers au service d’une quête de sens
Sur les médias sociaux, l’enjeu est à double tranchant. Si la prise de parole de la marque n’est pas pertinente, le couperet ne tarde pas : au mieux, l’engagement restera faible sur des contenus qui s’apparentent à de la curation, au pire, la marque récoltera une opinion négative, épinglée pour son discours vide de sens et le manque de position sur des sujets davantage stratégiques. Parce que les marronniers rejoignent une des grandes tendances de la communication d’aujourd’hui : la quête de sens.
75 % des consommateurs admettent acheter des marques qui partagent leurs valeurs : l’engagement est LA grande attente des audiences. Si prendre position sur un marronnier qui touche aux enjeux stratégiques de son secteur est payant, utiliser du bruit médiatique pour générer de la visibilité est globalement mal perçu. Avant, les consommateurs jugeaient les marques sur leurs produits. Désormais, elles sont jugées sur leur communication.
Ainsi, il faut distinguer plusieurs types de journées :
- Les marronniers commerciaux : ces rendez-vous annuels aux enjeux commerciaux forts comme le Black Friday, Noël ou la Saint Valentin.
- Les marronniers fun : la Journée de la gentillesse, la Journée mondiale sans pantalon, le Star Wars day, …
- Les marronniers liés à des causes, qui ont vocation à mettre en lumière une lutte : la Journée de lutte contre le cancer, la Journée internationale du droit des femmes, la Journée mondiale de l’environnement / du climat, …
- Les marronniers professionnels comme les salons, grand messe des secteurs concernés : CES pour les start-ups, SIA pour l’agriculture, …
Or, le constat est qu’une grande partie des marques a longtemps détourné ces marronniers comme une occasion d’opérations marketing, quitte à les vider de leur sens.
Comment Interflora a gagné la bataille des marronniers
C’est face à ce dilemme que s’est trouvée Interflora.
Retour en arrière. Nous sommes le 8 mars 2018, la marque souhaite créer de la conversation sur Twitter, et propose à son audience un concours de circonstance : un tirage au sort pour offrir un bouquet de fleurs à une femme de leur entourage. Forcément, l’opération passe mal.
Ce n’est pas une première pour la marque, mais elle s’inscrit dans un contexte où la colère gronde et où les consommateurs exigent, sinon un engagement sociétal décorrélé des campagnes marketing, du moins la décence de ne pas participer à transformer une journée qui doit mettre l’accent sur une lutte en un marronnier marketing. Devant les retours négatifs de son audience, la marque a dû prendre un virage.
En 2019, Interflora prend ainsi la parole aux antipodes de ses précédentes communications.
« Chaque année durant cette journée, Interflora est citée de manière « négative » alors que cela fait plusieurs années que nous ne faisons pas d’opérations promotionnelles durant cette période. », explique Yvain Ducrocq, responsable de la communication digitale de la marque. « Pour prendre le contre-pied de ces critiques, nous avons diffusé un tweet indiquant « Découvrez notre sélection de bouquets pour la Journée de la femme » accompagné d’un lien. En cliquant sur le lien, les internautes étaient redirigés vers une page expliquant que ce n’était pas la Journée de la femme mais la Journée des droits des femmes, et que les femmes ne souhaitent pas de fleurs mais des mesures égalitaires. »
Découvrez notre sélection de bouquets pour la journée de la femme 💐
>https://t.co/PhQ5hkMBf3#JourneeDeLaFemme pic.twitter.com/tDePzKnAJj— Interflora France (@Interflora) March 8, 2019
« De nombreuses personnes ont partagé le tweet sans avoir cliqué sur le lien et ont été surprises quand elles ont découvert le « vrai message » caché », analyse Yvain Ducrocq. « Notre objectif en communication n’est pas de « vendre à tout prix », il est important pour nous de communiquer pour faire évoluer les mentalités comme nous l’avons aussi fait avec notre vidéo « Chers Papas« . »
Les marronniers, c’est bien… mais avec parcimonie. Il faut absolument sortir de cette course au marronnier pour gagner un maximum de visibilité. Comment ?
- En créant l’actualité : le climat, le cancer et les droits des femmes ont certes droit à leur journée, mais ce sont des combats quotidiens, et des sujets qui mériteraient qu’on prenne la parole tout au long de l’année.
- En newsjackant l’actualité : prendre la parole quand cela a du sens et sur des sujets qui ont du sens, via des tribunes, des opérations marketing scalables qui font sens avec la marque.
Et si ce ressort semble être plus facilement l’apanage du B2C que du B2B : détrompez-vous… ou inspirez-vous en !