Le temps d’attention ne cesse de se réduire. Les marques et leurs agences vont de plus en plus loin pour marquer leur audience. Les campagnes se prennent au jeu de la surenchère pour faire un coup d’éclat…

Ce goût du risque, qui va crescendo, est à double tranchant. Si le Marché Interdit de Carrefour a remporté l’adhésion du public et un Lion à Cannes, les marques qui vont trop loin se font épingler sur l’autel médiatique. Quelle(s) limite(s) sont-elles prêtes à franchir pour gagner en notoriété ?

Notoriété : Le bon, le brut et le faux pas

Des stratégies toujours plus innovantes, un investissement parfois démesuré dans le marketing d’influence, des enjeux sociétaux qui deviennent des enjeux de marque : et si la course à la notoriété, dans un écosystème digital submergé de messages publicitaires, avait atteint ses limites ?

C’est la question que pose la campagne menée par Leo Burnett Tailor Made pour The North Face, qui a fait le tour du monde – et pas pour les meilleures raisons. Si l’ambition était de s’offrir le premier résultat Google à moindre coût, le hacking de Wikipédia a coûté très cher à la marque comme à l’agence. Et pour cause – sous la pression du public et l’ampleur du scandale, The North Face a très vite retiré sa vidéo mettant en avant sa réalisation, et a posté des excuses publiques en réponse aux tweets ravageurs de Wikipédia.

Résultat : le reach de la campagne a explosé… et la perception négative de la marque aussi. Cette surenchère d’opérations clinguantes, cette quête du « wow effect » permanent pour les aider à émerger sur un marché ultra concurrentiel et créer la préférence parmi un océan de messages toujours plus ingénieux et émouvants, finit par interroger l’audace de ces marques et de leurs agences : jusqu’où sont-elles prêtes à aller ?

Lorsque Burger King affiche les tweets de ses consommateurs sur ses murs pour annoncer la construction d’un nouveau restaurant, c’est engageant, drôle, osé : personne ne l’a fait avant lui et ça marche. Lorsque Netflix analyse les statistiques de ses utilisateurs et les exploite dans un tweet qui se veut drolatique, c’est borderline, moqueur, voire un peu humiliant et, forcément, ça casse. Pourtant, si la frontière a été franchie d’une campagne à l’autre, difficile d’identifier l’arme du crime en les comparant, tant celle-ci est fine.

À lire aussi  Data et communication : Quand les marques dérapent

L’arbitre, en revanche, est intraitable : le grand public, noyé sous des milliers de messages similaires se transforme désormais en destinataire actif de ces campagnes via les réseaux sociaux et ne laisse pas passer le moindre faux pas.

La slow communication au service de la notoriété

Face à cela, les marques doivent se désengager de cette surenchère pour revenir à des valeurs profondes et légitimes. L’idée n’est pas de laisser l’audace de côté mais, au contraire, de l’utiliser à bon escient, de façon moins opportuniste. Quand IKEA propose de livrer ses matelas aux insomniaques qui traînent sur Twitter la nuit, c’est ingénieux, engageant, propice au conversationnel. Mais que dit l’opération sur l’image et l’engagement de la marque ? Pas grand chose.

A contrario, quand Gillette se repositionne autour d’enjeux sociétaux en proposant aux hommes de devenir la meilleure version d’eux-mêmes, le territoire de communication, plus légitime, assure à la marque une cohérence forte entre le message et l’identité. Si celle-ci a été fortement controversée et taxée de feminist-washing, la marque assume pourtant l’ambition de moderniser son image et, pour cela, de transformer celle de l’homme et de la femme qu’elle met en scène dans ses campagnes. Exit la virilité comme caractéristique à tout prix, exit les rôles féminins exclusivement décoratifs : ces stéréotypes hérités des années 1950 sont délaissés au profit d’un portrait contemporain de son audience. Et ça marche : l’universalité de la campagne a poussé la marque à annoncer dans de nombreux pays et a redéfini son image auprès d’un très large public.

À lire aussi  Gillette & les réseaux sociaux : Quel est l'impact réel d’un bad buzz ?

L’enseignement de ces marques, c’est que la course à la notoriété n’est pas un sprint : c’est un marathon. Plutôt que de miser sur des opérations ponctuelles et opportunistes, celles-ci ont tout intérêt à communiquer sur leurs valeurs, à investir leur territoire pour adopter une approche à la fois cohérente avec les attentes de leur public et avec leur image. En bref : un virage vers le slow content qui leur assurera une notoriété grandissante et solide.