Vous pensiez que les médias se lasseraient du sujet ? Vous aviez tort. Chaque semaine depuis le 16 mars, les chaînes d’information consacrent en moyenne entre 350 et 400 heures au Covid-19 et à ses conséquences, selon une étude menée par l’INA, soit entre 70 et 80 % de leur part d’antenne. Faut-il mettre vos RP en pause pour autant ? On décrypte avec Perrine Soymié et Julie Leplus, directrices de clientèle chez MilleSoixanteQuatre.
Presse en ligne, broadcast, print : les médias face à la crise du Covid-19
Plus de 14 heures cumulées d’antenne sont consacrées au Covid-19 chaque jour depuis le début du confinement. En six semaines, ni les courbes d’audience, ni les sujets liés à la pandémie n’ont réussi à s’essouffler sur les chaines d’info en continu. Car si la crise sanitaire a fait vaciller l’économie, elle bouleverse aussi complètement les médias… et donc les relations presse.
Dans l’écosystème médiatique, il y a d’abord eu l’onde de choc. Le print a été en partie paralysé, notamment les éditions gratuites qui ont été suspendues, les grilles de programmes radio et TV se sont réinventées pour coller à l’actualité et la presse a dû, elle aussi, adapter ses rubriques. « Il y a eu plusieurs phases », analyse Julie Leplus. « Les médias ont d’abord été sur le pied de guerre, entièrement dévoués à l’information sur le Covid-19. » – à tel point d’ailleurs que la deuxième semaine de confinement, BFMTV a prononcé le mot « chloroquine » plus de 35 fois par heure ! « Puis les rédactions se sont progressivement organisées, et les journalistes ont commencé à être réceptifs aux initiatives mises en place par les entreprises et aux sujets plus environnants. Maintenant, nous sommes entrés dans une troisième phase et nous nous orientons de plus en plus vers des contenus post coronavirus. »
« Depuis le confinement, l’immense majorité des rédactions sont exsangues », confirme Perrine Soymié. Il faut dire que le contexte les a rendues encore plus difficilement joignables qu’en temps normal. Entre les boîtes mail surchargées, les téléphones fixes qui sonnent dans le vide, les portables parfois jugés trop intrusifs et de jeunes mamans qui télétravaillent en horaires décalées, difficile de pénétrer ce paysage médiatique corona-centré depuis des semaines.
Mais il n’est pas inatteignable pour autant. Sarah Le Roux est consultante presse et, à ce titre, en contact permanent avec eux : « beaucoup d’entreprises ont arrêté de communiquer pendant cette période. Les journalistes sont naturellement moins sollicités, et donc davantage disponibles par mail. Ces dernières semaines, nous avons d’ailleurs remarqué qu’ils étaient bien plus réactifs sur ce canal qu’en temps normal : connaître leurs articles, leurs thématiques phares et leur proposer un angle personnalisé prend plus que jamais son sens. »
Besoin d’information frénétique & médias mutants : un terrain de jeu fertile pour les RP
Si l’offre se construit face à la crise, la demande, elle, explose. 38 % des Français disent s’informer au moins cinq fois par jour. Les chaînes d’info et la presse online ont trusté cette économie de l’attention : +221 % pour lci.fr, +216 % pour lemonde.fr et + 201 % pour 20minutes.com. Les JT signent leur grand retour : longtemps délaissés, ils retrouvent leur pouvoir fédérateur, dopés par la crise qui fait exploser leur audience. Le print, lui, a flanché, mais reprend progressivement du service. En bref : les médias s’adaptent, quitte à créer de nouveaux formats, et offrent une audience inédite aux entreprises en quête de visibilité.
La Tribune, CNEWS et 20minutes ont suspendu leur édition papier pour mieux renforcer leur présence en ligne. Ouest France, leader de la PQR, est passé de 53 éditions locales à 12 éditions départementales, mais a enregistré +115 % de trafic dès les premiers jours du confinement.
Les plateaux ont ouvert leurs portes aux experts prêts à témoigner, que ce soit en équipe réduite sur plateau ou en Facetime, et la presse a ouvert ses pages aux chefs d’entreprise qui souhaitaient prendre la parole. Ainsi, CBNews et INfluencia proposent, depuis des semaines, les rubriques « les marques face à la crise » et « parole de résistants », à la fois vecteurs de vision post-apocalyptique, guides en pleine crise ou futures archives de notre époque. Alors que le déconfinement est encore hypothétique, les médias se mobilisent déjà, à l’instar de L’ADN qui lance un titre éphémère du 11 mai au 29 novembre pour décrypter l’après.
« La presse IT B2B est assez peu impactée par l’actualité », admet Perrine. « Au contraire ! Le contexte a rapidement dopé leurs besoins. Les experts en cybersécurité, les experts du cloud, les éditeurs de logiciels sont sollicités pour intervenir sur des problématiques liées au confinement comme la sécurité des données pendant le télétravail ou les outils dont les entreprises ont besoin pour maintenir le lien à distance. Et ça tombe bien, puisque c’est une typologie de presse que l’on connaît très bien. » En somme, si la presse nationale est complexe à décrocher, la presse cœur de cible répond présente.
« De manière générale », note-t-elle, « le secteur s’organise. Les régies se positionnent, les contenus s’adaptent, les reportages se maintiennent : l’activité a été bousculée, voire ralentie, mais les opportunités sont là ».
Comment bien faire des RP en pleine crise du Covid-19 ?
S’il faudra apprendre à vivre avec le virus, il y a fort à parier que les médias ne sont pas prêts d’abandonner le sujet de sitôt. Un avis que partage Julie Leplus : « un retour à l’équilibre est probable dans les prochaines semaines, voire les prochains mois ». En attendant, faut-il complètement arrêter de communiquer auprès des médias ? Pas vraiment. Geler sa communication pendant six mois pour traverser cette crise reviendrait à perdre 39 % de sa notoriété totale selon Kantar.
« Même si certains secteurs ne peuvent pas communiquer, il ne faut pas rompre le lien avec les journalistes : il faut préparer l’après, approfondir les sujets, préparer des stratégies d’influence qualitatives pour réussir à être offensif quand le temps sera venu », estime Julie. « Les relations presse, c’est avant tout du relationnel : il faut échanger avec les journalistes, mais surtout savoir les écouter, identifier leurs besoins. »
Cependant, il y a des bonnes pratiques à ne pas perdre de vue. « Il ne faut pas éviter la crise, c’est certain. Dans un contexte comme celui-ci, la communication doit s’adapter, mais attention : tout n’est pas RP-isable », prévient Julie. « Il faut rester à l’affût des opportunités mais ne surtout pas être opportuniste ».
La crise sanitaire, et son impact sur les médias, exige en effet de repenser dans l’urgence la façon de communiquer. « il ne faut pas arrêter de communiquer : il faut communiquer différemment », étaye Perrine. « Mettre en avant de belles initiatives, comme l’a fait LVMH avec le détournement de sa parfumerie, ou comme l’a fait Verywear en proposant à ses couturières de coudre des masques ; ou encore des retours d’expérience pour témoigner des difficultés rencontrées. Partager de bonnes pratiques dans une tribune d’expert ou encore varier les canaux en investissant les médias sociaux ou en lançant un blog. Néanmoins, attention : s’il ne devait y avoir qu’un seul mot d’ordre, ce serait l’humilité ! »
Des conseils judicieux, qui ont notamment offert deux retombées TV pour KSB, leader français et européen des pompes centrifuges, et qui ont permis à Boris Lombard, président de la société, de partager ses enjeux et sa vision du marché sur BFM Business, avant d’ouvrir les portes de son entreprise aux reporters de France2. Qui a dit que les RP ne servaient à rien pendant le confinement ?