La crise actuelle accélère les transformations en cours depuis plusieurs années dans les médias. Le but ? Enrichir les offres pour répondre aux attentes des annonceurs et générer de nouveaux revenus.

 

Les difficultés de la presse écrite et audiovisuelle ne sont pas nouvelles – chute des tirages et des audiences, effondrement des revenus publicitaires, crise de légitimité, incapacité à se transformer… Mais elles se sont encore aggravées avec la pandémie et il est difficile de cerner à quoi ressemblera le paysage médiatique de l’après-Covid. De nombreux médias risquent d’être mis en difficulté : ils n’ont pas (ou peu) de capacité d’investissement et continuent de voir leurs audiences (et leurs annonceurs) s’effriter, souvent au profit de nouveaux acteurs plus créatifs et agiles. Mais quelques « happy fews » (Mediapart, Lemonde.fr…), forts de leurs capacités d’engagement et de leurs « nouvelles » bases d’abonnés numériques, en sortiront probablement indemnes, voire renforcés. Et d’autres encore (Streetpress, BFM, Binge.audio ou Brut..) pourraient se diversifier tous azimuts, pour aller chercher la croissance là où elle se trouve.

 

Les nouveaux mix produits des médias 

 

Car les difficultés des uns ne doivent pas cacher les transformations amorcées par d’autres depuis plusieurs mois, qui commencent à porter leurs fruits. « Il y a déjà plusieurs tendances assez intéressantes qui se dessinent », relève Paul Gillet, directeur associé de l’agence MilleSoixanteQuatre. « En ce qui concerne la presse métier ou verticale (IT, RH, industrie, banque…), on constate par exemple qu’un certain nombre de titres ont réussi à s’emparer du digital pour enrichir et complexifier leurs offres. Leurs canaux numériques offrent désormais une première couche d’information de qualité (ils restent des médias !), et une seconde couche, plus profonde, qui est elle composée de brand content, de livre-blancs ou de dossiers thématiques. Ces médias verticaux deviennent ainsi des plateformes de génération de leads (prospects qualifiés), et ils génèrent des revenus publicitaires. »

Un certain nombre de médias plus traditionnels (dans l’information économique notamment) diversifient aussi à l’extrême leurs mix produits : « Ils ont appris à proposer aux annonceurs aussi bien des publicités classiques, dans le journal ou sur le web, que du brand content, des opérations spéciales ou de l’animation de « think tanks » de grande qualité pour le compte de grands sponsors. »

 

Les influenceurs se raccrochent à l’actualité

 

Passée une phase de sidération face à la pandémie, parfois émaillée de vaines tentatives de récupérations, les marques ont pour leur part renforcé leurs stratégies d’influence hors des médias « historiques ». Certaines se sont emparées de l’événement pour générer de l’information et des commentaires, typiquement en mettant l’accent sur le « made in France » (qui renvoie à la nécessité vécue par tous pendant la pandémie de disposer à proximité des ressources fondamentales). D’autres, comme Carglass, n’ont pas hésité à inscrire leurs campagnes publicitaires dans une temporalité propre au Covid, en faisant porter des masques de protection à leurs figurants. Et d’autres encore « sont entrées dans un travail d’éditorialisation plus poussé, par l’intermédiaire de très nombreuses tribunes », constate Paul Gillet. « L’objectif, très humain, était de donner du sens à tout ce qui se passait. »

Reste que l’excès de prises de paroles a fini par créer un effet de saturation. Et par là même la volonté de mettre aujourd’hui davantage l’accent sur des témoignages de terrain, pragmatiques et concrets. Ces nouveaux contenus – produits et relayés par le biais d’agences de relations médias ayant elles aussi diversifié leurs offres – ne sont pas sans rappeler les campagnes publicitaires mettant en scène de vrais collaborateurs ou de vrais clients, comme celle de Generali, et les affiches « activistes » de certaines marques, telles Ryanair (anti-Brexit) et Patagonia (pro-environnement). Il n’y aura sans doute pas de monde d’après. Mais les marques vont chercher, à coup sûr, à se rapprocher de leurs publics et à redonner du sens à toutes leurs actions.