S’appuyer sur le digital pour avoir un réel impact sociétal est un vœu pieu pour nombre d’acteurs, mais une réalité pour peu d’entre eux. HelloAsso a fait ce pari il y a maintenant plus de 10 ans. Pari réussi car aujourd’hui 150 000 associations lui font confiance pour gérer et développer leurs activités. Hannah Berkouk, directrice générale d’HelloAsso nous explique comment cette entreprise digital native utilise le numérique pour soutenir les causes associatives.

 

HelloAsso a été créé en 2009. Pourriez-vous revenir pour nous sur sa raison d’être, son modèle et les principales étapes de son développement ? 

 

Dès l’origine, il y a une volonté de soutenir le milieu associatif. En 2009, le projet s’appelait Mailforgood et consistait à capter les revenus publicitaires associés au visionnage de vidéos en ligne pour les reverser aux associations. En fait, nous nous sommes appuyés sur des usages personnels et collectifs en plein développement pour les mettre au profit d’une cause. En 2010, le paiement par carte sur internet se développait, nous avons fait évoluer nos outils en même temps que les pratiques. Au fur et à mesure, nous avons mis en place des solutions pour le paiement, le crowdfunding, l’adhésion, la billetterie… toujours au service des associations et toujours de manière gratuite pour ces dernières. Aujourd’hui, notre modèle d’entreprise est collaboratif et repose uniquement sur le don. C’est-à-dire que les utilisateurs qui viennent sur la plateforme dans un but précis (acheter un billet d’événement associatif ou participer à une campagne de crowdfunding par exemple) peuvent laisser une contribution pour HelloAsso. Et ça fonctionne, puisqu’environ un utilisateur sur deux fait un don en ligne. Il faut certes un certain volume de transactions pour que cela soit viable, mais nous sommes la preuve que c’est possible : HelloAsso compte 85 collaborateurs et son modèle économique est à l’équilibre depuis 2017.

 

L’autre point essentiel pour nous repose sur l’accompagnement des associations. HelloAsso ne se veut pas juste un outil en ligne, mais aussi et surtout une plateforme de soutien et d’acculturation numérique pour les associations. C’est bien là que la dimension sociale d’HelloAsso prend tout son sens.

 

Imaginons un monde sans internet, auriez-vous pu mener à bien la raison d’être d’HelloAsso sans les outils digitaux ? Est-ce le digital qui vous permet d’être gratuit pour les associations ?

 

Le monde associatif en France est fortement structuré. Il a une histoire (loi 1901) et un fonctionnement efficace. HelloAsso est venu répondre à un besoin associatif directement corrélé à l’essor du numérique. Sans l’avènement du digital dans nos vies, le besoin n’aurait pas été le même, et l’outil aurait sans doute été différent. Nous envisageons vraiment le numérique comme un levier puissant pour décharger les associations des aspects financiers et administratifs, et donc les aider à développer leurs activités et à se rassembler autour de projets solidaires. Le digital est le moyen qui nous permet de décupler l’impact d’HelloAsso. Nous existons grâce au numérique et nous avons un rôle à jouer dans l’accompagnement à l’accès au numérique du secteur associatif.

 

Le modèle économique d’HelloAsso repose sur les contributions des utilisateurs. D’un point de vue communicationnel, comment faites-vous pour générer ces dons ?

 

Tout est question de transparence, de pédagogie et de bouche-à-oreille. Pour que le modèle fonctionne, il faut que de nombreuses associations utilisent la plateforme. Nous devons donc proposer un produit de qualité. C’est la clef de la satisfaction des utilisateurs. Ensuite, l’outil lui-même favorise la viralité, de façon organique et intrinsèque. Les associations vont parler du modèle, le recommander dans leur écosystème. Lorsqu’un utilisateur fait un don, il peut partager son action et en parler autour de lui. Nous mettons aussi l’accent sur l’explication de notre modèle économique alternatif. Le fonctionnement est expliqué de façon transparente tout au long du parcours sur la plateforme. Ce sont cette transparence et une dimension didactique qui permettent de rassurer les usagers et participent à la multiplication des dons.

 

Nous communiquons aussi beaucoup sur notre statut d’ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale). Cela va avec l’évolution sociétale actuelle : il y a aujourd’hui une vraie prise de conscience et un éveil à l’éthique d’internet et des plateformes. Les individus sont de plus en plus susceptibles de comprendre la valeur d’un modèle économique alternatif et de le soutenir.

 

Vous soutenez une « transition numérique durable et locale ». Quelles sont les actions concrètes que vous mettez en place pour cela ? Pouvez-vous nous présenter le programme PANA ?

 

Pour mener à bien sa mission d’accompagnement au numérique, HelloAsso s’inscrit dans une approche éco-systémique et travaille en partenariat avec les acteurs déjà existants du secteur. Cela nous permet d’avoir un impact local. Nous nous appuyons sur les PAVA (Points d’Appui à la Vie Associative) que sont les maisons des associations, les centres de ressources, les ligues de l’enseignement… et nous venons y ajouter une brique d’accompagnement numérique. C’est l’objet de notre programme PANA : Points d’Appui au Numérique Associatif. Ce projet est gratuit pour les bénéficiaires (têtes de réseaux et fédérations locales) et s’inscrit dans la raison d’être d’HelloAsso.

 

Au-delà de son aspect social et inclusif, pensez-vous que le digital peut avoir un impact sociétal ?

 

Oui tout à fait, sous réserve qu’on ne néglige pas la dimension humaine. On parle beaucoup de tech for good, nous soutenons l’idée de tech for people, qui place systématiquement l’humain au cœur de toute réflexion digitale. C’est d’ailleurs la démarche que Tristan Harris développe dans son Center for Humane Technologie. Avant le déploiement de toute initiative numérique, il faut se poser la question « est-ce bien développé au bénéfice des individus ? ». C’est ce rapport critique au numérique qu’il faut amener à maturité. C’est ce que nous essayons de faire au quotidien chez HelloAsso.